Les Soldats du FPR a l'attentat du 6 avril 1994 a donné le signal des massacres.
REUTERS/Corinne Dufka
Inépuisable sujet pour thésard en droit: peut-on instruire en terrain miné à l'abri des interférences politico-diplomatiques? Chargés de l'enquête sur l'attentat du 6 avril 1994 contre le Falcon 50 de Juvénal Habyarimana, fatal au président rwandais, à son homologue burundais et aux trois membres d'équipage français, les magistrats antiterroristes Marc Trévidic et Nathalie Poux veulent le croire. Ou font comme si.
Ils se rendent ce samedi 11 septembre à Kigali, à la tête d'une mission d'experts - balistique, géométrie, explosifs, aéronautique - censée livrer son rapport en mars 2011. Une semaine durant, l'équipe s'efforcera de clarifier in situ ce mystère: qui a tiré les deux missiles SAM-16, et de quel endroit?
La démarche se veut technique et scientifique. Il s'agit de procéder par élimination, de vérifier les témoignages - parfois versatiles - invoqués à l'appui de deux thèses antinomiques. L'une, avalisée par Jean-Louis Bruguière, prédécesseur du tandem Trévidic-Poux, impute le crash du jet, prologue d'un ineffaçable génocide, aux rebelles tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame, maître du pays depuis seize ans; l'autre l'attribue au clan le plus belliciste du pouvoir hutu. Ce scénario est corroboré par les experts britanniques qu'a mandatés Kigali.
Au prix d'un pari pascalien, les juges parisiens misent sur la coopération rwandaise, garantie par Kagame en marge du récent sommet Afrique-France de Nice. Nul, estiment-ils, n'a intérêt à entraver l'enquête.
Reste que deux facteurs exogènes, au demeurant contradictoires, risquent de la parasiter. D'abord, un raidissement de Kigali, prévisible au lendemain de la publication de l'accablant rapport onusien sur les crimes commis par les troupes du FPR dans l'ex-Zaïre. Ensuite, la ferme volonté de l'Elysée d'assainir le ciel franco-rwandais... Notre énigme pour juristes en herbe a de l'avenir.
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