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Publie par Radio Canada
Quand l'ONU et la communauté internationale n'interviennent pas énergiquement pour stopper les massacres au Darfour ou en République démocratique du Congo, on les accuse de négligence. De se désintéresser de ces victimes parce qu'elles sont africaines, noires et pauvres.
En Côte d'Ivoire, l'ONU et la communauté internationale ont jusqu'ici adopté une position très ferme. Du jamais vu en Afrique. C'est la première fois de son histoire que l'ONU ose s'ingérer dans une élection nationale pour décréter un gagnant.
Cette fois-ci, on l'accuse de néo-colonialisme. Il faudrait laisser « les Africains régler cette crise africaine ». « Damned if you do, damned if you don't. » Traduction boiteuse : quoi que l'ONU fasse en Afrique, elle a toujours tort.
L'interventionnisme musclé de l'ONU en Côte d'Ivoire indique-t-il une nouvelle tendance, une nouvelle intolérance envers ces chefs d'État, nombreux partout dans le monde, à tripoter les règles électorales pour s'accrocher au pouvoir? Ou la crise ivoirienne est-elle un cas à part?
Une première onusienne
Le président contesté de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, doit se lever tous les matins depuis un mois en se demandant : « Pourquoi moi? » Il doit se demander pourquoi l'ONU a décidé de contester la réélection de l'homme fort d'Abidjan et qu'elle ne conteste pas les réélections, tout aussi contestables, d'Omar El-Béchir au Soudan, en avril, et de Paul Kagame au Rwanda, qui a été réélu avec 93 % des suffrages en août.
L'ONU a-t-elle dénoncé ces scrutins, jugés comme des simulacres d'exercices démocratiques par de nombreux observateurs internationaux? Non, sans doute parce que la Chine, qui exploite le pétrole soudanais, protège le régime de Khartoum. Le président soudanais est pourtant poursuivi par le Tribunal pénal international pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité au Darfour.
Au Rwanda, l'ONU et les diplomaties occidentales protègent encore l'homme fort de Kigali, par culpabilité pour leur inaction durant le génocide. Pourtant, le régime de Paul Kagame est soupçonné par l'ONU de crimes génocidaires en RDC.
D'où vient donc cette soudaine fermeté onusienne envers un chef d'État réélu de façon contestable? La crise ivoirienne présente de nombreux précédents. C'était la première fois que l'ONU avait le mandat de non seulement surveiller le bon déroulement d'une élection, mais d'en certifier les résultats.
En confirmant le verdict de la Commission électorale indépendante, qui donne Alassane Ouattara gagnant avec 54 % des suffrages, l'ONU s'ingérait pour la première fois de son histoire dans une bataille électorale nationale.
C'est aussi la première fois que le Conseil de sécurité de l'ONU adopte une résolution qui confirme la victoire d'un candidat d'une élection présidentielle en Afrique. Depuis, la communauté internationale agit comme si cette résolution onusienne avait préséance sur la loi du pays.
Selon la loi ivoirienne, c'est le Conseil constitutionnel qui confirme l'élection d'un président. Ce Conseil a donné son aval à Laurent Gbagbo. Cela ne rend pas son élection plus légitime, mais l'ONU peut-elle ne pas respecter la loi suprême d'un pays?
Débat autour de la suprématie onusienne
On appelle cela le droit d'ingérence. Plusieurs chancelleries, Bernard Kouchner en tête, se battent depuis des années pour que l'ONU ose aller plus loin dans la défense des droits de l'homme, quitte à passer au-dessus des têtes d'États qui violent ces droits, quand ils ne tuent pas carrément leurs populations. La Côte d'Ivoire est-elle un cas qui justifie le droit d'ingérence?
Bon nombre d'intellectuels, artistes et écrivains africains, qu'on ne peut pas soupçonner de partisanerie, commencent à s'opposer à une intervention plus musclée de l'ONU ou à une intervention militaire de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
« [Dans les faubourgs d'Abidjan], on préfère d'expérience les mauvaises élections aux guerres civiles bien réussies. Mieux vaut encore Bokassa et Mobutu que les drames du Liberia ou de la Sierra Leone! La bête humaine s'habitue à l'enfer du despotisme, certainement pas aux massacres à la rwandaise! », écrit dans Le Monde l'écrivain guinéen Tierno Monénembo, Prix Renaudot 2008.
« Nous ne soutenons pas Laurent Gbagbo, poursuit-il, nous ne contestons pas non plus l'élection d'Alassane Ouatarra. Nous disons simplement que [...] l'ONU n'a pas à décider qui est élu et qui ne l'est pas à la tête d'un pays. Le faisant, elle outrepasse ses droits [...] au point que derrière le langage feutré de ses diplomates, on distingue des bruits de bottes coloniales. »
Les dangers de l'intervention armée
Voilà pourquoi l'ONU aura de la difficulté à aller au bout de sa logique, comme le lui demande le camp Ouattara, de plus en plus impatient d'assumer le pouvoir. Forcer le départ de Laurent Gbagbo avec les tanks blancs des forces de la paix serait franchir une frontière dangereuse.
Le mandat des Casques bleus est d'imposer la paix, et non de provoquer la guerre. Or, une intervention militaire extérieure, qu'elle vienne de l'ONU ou de la CEDEAO, risquerait d'allumer l'étincelle de la violence qui couve depuis le 28 novembre.
C'est peut-être le plus étonnant dans cette crise. Les médias du monde entier répètent, à chaque jour depuis un mois, que la situation à Abidjan est tendue et explosive. Or, les deux camps ennemis ont jusqu'ici réussi l'impensable : éviter l'affrontement armé tant redouté.
Peut-être parce que les Ivoiriens ne sont pas descendus dans les rues, ni d'un côté ni de l'autre.
Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo savent que les Ivoiriens n'embarqueront pas dans une autre guerre civile. Il faudra bien qu'ils acceptent un jour de se parler. L'ONU tente ces jours-ci de provoquer cette rencontre. Mais Laurent Gbagbo refuse de prendre l'appel de Barack Obama.
En Côte d'Ivoire, l'ONU et la communauté internationale ont jusqu'ici adopté une position très ferme. Du jamais vu en Afrique. C'est la première fois de son histoire que l'ONU ose s'ingérer dans une élection nationale pour décréter un gagnant.
Cette fois-ci, on l'accuse de néo-colonialisme. Il faudrait laisser « les Africains régler cette crise africaine ». « Damned if you do, damned if you don't. » Traduction boiteuse : quoi que l'ONU fasse en Afrique, elle a toujours tort.
L'interventionnisme musclé de l'ONU en Côte d'Ivoire indique-t-il une nouvelle tendance, une nouvelle intolérance envers ces chefs d'État, nombreux partout dans le monde, à tripoter les règles électorales pour s'accrocher au pouvoir? Ou la crise ivoirienne est-elle un cas à part?
Une première onusienne
Le président contesté de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, doit se lever tous les matins depuis un mois en se demandant : « Pourquoi moi? » Il doit se demander pourquoi l'ONU a décidé de contester la réélection de l'homme fort d'Abidjan et qu'elle ne conteste pas les réélections, tout aussi contestables, d'Omar El-Béchir au Soudan, en avril, et de Paul Kagame au Rwanda, qui a été réélu avec 93 % des suffrages en août.
L'ONU a-t-elle dénoncé ces scrutins, jugés comme des simulacres d'exercices démocratiques par de nombreux observateurs internationaux? Non, sans doute parce que la Chine, qui exploite le pétrole soudanais, protège le régime de Khartoum. Le président soudanais est pourtant poursuivi par le Tribunal pénal international pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité au Darfour.
Au Rwanda, l'ONU et les diplomaties occidentales protègent encore l'homme fort de Kigali, par culpabilité pour leur inaction durant le génocide. Pourtant, le régime de Paul Kagame est soupçonné par l'ONU de crimes génocidaires en RDC.
D'où vient donc cette soudaine fermeté onusienne envers un chef d'État réélu de façon contestable? La crise ivoirienne présente de nombreux précédents. C'était la première fois que l'ONU avait le mandat de non seulement surveiller le bon déroulement d'une élection, mais d'en certifier les résultats.
En confirmant le verdict de la Commission électorale indépendante, qui donne Alassane Ouattara gagnant avec 54 % des suffrages, l'ONU s'ingérait pour la première fois de son histoire dans une bataille électorale nationale.
C'est aussi la première fois que le Conseil de sécurité de l'ONU adopte une résolution qui confirme la victoire d'un candidat d'une élection présidentielle en Afrique. Depuis, la communauté internationale agit comme si cette résolution onusienne avait préséance sur la loi du pays.
Selon la loi ivoirienne, c'est le Conseil constitutionnel qui confirme l'élection d'un président. Ce Conseil a donné son aval à Laurent Gbagbo. Cela ne rend pas son élection plus légitime, mais l'ONU peut-elle ne pas respecter la loi suprême d'un pays?
Débat autour de la suprématie onusienne
On appelle cela le droit d'ingérence. Plusieurs chancelleries, Bernard Kouchner en tête, se battent depuis des années pour que l'ONU ose aller plus loin dans la défense des droits de l'homme, quitte à passer au-dessus des têtes d'États qui violent ces droits, quand ils ne tuent pas carrément leurs populations. La Côte d'Ivoire est-elle un cas qui justifie le droit d'ingérence?
Bon nombre d'intellectuels, artistes et écrivains africains, qu'on ne peut pas soupçonner de partisanerie, commencent à s'opposer à une intervention plus musclée de l'ONU ou à une intervention militaire de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
« [Dans les faubourgs d'Abidjan], on préfère d'expérience les mauvaises élections aux guerres civiles bien réussies. Mieux vaut encore Bokassa et Mobutu que les drames du Liberia ou de la Sierra Leone! La bête humaine s'habitue à l'enfer du despotisme, certainement pas aux massacres à la rwandaise! », écrit dans Le Monde l'écrivain guinéen Tierno Monénembo, Prix Renaudot 2008.
« Nous ne soutenons pas Laurent Gbagbo, poursuit-il, nous ne contestons pas non plus l'élection d'Alassane Ouatarra. Nous disons simplement que [...] l'ONU n'a pas à décider qui est élu et qui ne l'est pas à la tête d'un pays. Le faisant, elle outrepasse ses droits [...] au point que derrière le langage feutré de ses diplomates, on distingue des bruits de bottes coloniales. »
Les dangers de l'intervention armée
Voilà pourquoi l'ONU aura de la difficulté à aller au bout de sa logique, comme le lui demande le camp Ouattara, de plus en plus impatient d'assumer le pouvoir. Forcer le départ de Laurent Gbagbo avec les tanks blancs des forces de la paix serait franchir une frontière dangereuse.
Le mandat des Casques bleus est d'imposer la paix, et non de provoquer la guerre. Or, une intervention militaire extérieure, qu'elle vienne de l'ONU ou de la CEDEAO, risquerait d'allumer l'étincelle de la violence qui couve depuis le 28 novembre.
C'est peut-être le plus étonnant dans cette crise. Les médias du monde entier répètent, à chaque jour depuis un mois, que la situation à Abidjan est tendue et explosive. Or, les deux camps ennemis ont jusqu'ici réussi l'impensable : éviter l'affrontement armé tant redouté.
Peut-être parce que les Ivoiriens ne sont pas descendus dans les rues, ni d'un côté ni de l'autre.
Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo savent que les Ivoiriens n'embarqueront pas dans une autre guerre civile. Il faudra bien qu'ils acceptent un jour de se parler. L'ONU tente ces jours-ci de provoquer cette rencontre. Mais Laurent Gbagbo refuse de prendre l'appel de Barack Obama.
Regardez les reportages de Sophie Langlois sur notre page
« International »
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