Par Le Monde
Christophe Châtelot, journaliste au quotidien français Le Monde, est le premier à s’être procuré un rapport encore confidentiel des Nations unies qui fait couler beaucoup d’encre. Ce rapport évoque la probabilité d’un génocide en RDC suite aux multiples massacres lors des conflits entre 1993 et 2003. Châtelot explique pourquoi il a exploité la "fuite" de ce rapport.
"On sait qu’il y a d’énormes pressions et un énorme lobbying exercés par le Rwanda pour tenter d’enterrer ce dossier. C’est un dossier qui les dérange profondément", dit Châtelot. Selon lui, il y avait un risque. Il y a eu par le passé d’autres rapports sur les mêmes événements qui ont été enterrés. "La nécessité s’imposait de porter rapidement à la connaissance du public ce dossier pour forcer un petit peu aussi cette publication".
Les Nations unies prises de vitesse
Selon Christophe Châtelot, il n’y a pas de circonspection de la part des Nations unies sur les pressions exercées par le Rwanda. « Le tête-à-tête qu’il y a eu entre Paul Kagamé et le secrétaire général de l’ONU en marge du sommet de Madrid sur les points les plus sensibles figure dans la version draft que l’ONU fait discrètement circuler en ce moment : le rôle de l’armée patriotique (FPR, ndlr) dans les crimes commis contre les Hutus réfugiés en RDC entre 1996 et 1998, et la qualification de ces crimes à savoir crimes contre l’humanité, crimes de guerre voire génocide".
Ce document est une base pour lutter contre l’impunité, affirme le journaliste : "C’est un document qui fera date. C’est une grande avancée, cette compilation des rapports faits sur toute la période des massacres au Congo entre 1993 et 2003".
Imaginer un tribunal pour la RDC
"Je pense qu’il y a beaucoup d’incertitudes concernant la mise sur pied d’un tribunal, on ne peut pas répondre aujourd’hui par l’affirmatif. Ça dépendra de la détermination de la communauté internationale, de l’ONU, des autorités congolaises qui théoriquement sont habilitées à juger y compris les auteurs internationaux des crimes commis sur leurs territoires".
Le problème financier se pose, selon Christophe Châtelot. Il pourrait bien y avoir un tribunal pénal comme pour la Sierra Leone ou un tribunal ad hoc. "Depuis la création de la Cour pénale internationale, les Nations unies ne sont pas favorables à ce genre de solutions. Ce sont des institutions très lourdes qui coûtent très cher à l’ONU. Mais en tout état de cause, il y a des faits extrêmement graves exposés dans ce rapport qui finira par sortir dans le courant du mois de septembre. Il est à souhaiter que les grands principes de justice en terme de droit humanitaire ne soient pas foulés au pied par un simple chantage".
Combattre l’impunité
Kris Berwouts, spécialiste belge de l’Afrique centrale, se montre nuancé quant à l’idée d’un éventuel tribunal pénal pour la RDC : "La question si oui ou non il s’agit d’un génocide est très sensible. On a vu la position très crispée du gouvernement rwandais. Personnellement, je pense que c’est vraiment important de capitaliser le travail des experts et d’objectiver le débat. Les conclusions du rapport méritent vraiment un suivi par la justice internationale".
Les autorités rwandaises se plaignent de ne pas avoir été consultées par l’équipe du mapping - nom qui caractérise ce projet du Haut commissariat des droits de l’homme. Christophe Châtelot répond :
"Mais ils ne sont pas allés enquêter en Angola, au Tchad, au Soudan ou en Ouganda. Autant de pays qui ont été impliqués dans les conflits congolais pendant toutes ces décennies. Leur travail est un travail de terrain, et c’est un travail de compilation. Il ne s’agissait pas d’obtenir des témoignages du côté des officiers et des officiels rwandais. Ça ne faisait pas partie du mandat de la mission. Ils ont fait là un inventaire et documenté un certain nombre de massacres sur place en RDC".
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