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Tuesday, September 7, 2010

Le Bloc Québécois est inquiet de l'état de la démocratie au Rwanda


Ottawa, jeudi 2 septembre 2010 – La porte-parole du Bloc Québécois en matière d'affaires étrangères et députée de La Pointe-de-l'Île, Francine Lalonde, a fait part au ministre fédéral des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, de ses vives inquiétudes concernant le respect des droits de l'homme et de la démocratie au Rwanda. La députée du Bloc Québécois a demandé en outre au ministre de tout mettre en œuvre afin que le gouvernement de Paul Kagamé réexamine ses lois sur l'idéologie du génocide et le sectarisme à la lumière du rapport d'Amnistie internationale et qu'il permette au Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU de présenter son rapport final sur les crimes et exactions commis en  République démocratique du Congo (RDC).
« L'honorable Lawrence Cannon,
Ministre des Affaires étrangères,
Chambre des communes,
Ottawa
Monsieur le Ministre,
La situation postélectorale au Rwanda est hautement préoccupante pour l'avenir des droits et de la démocratie dans ce pays. Malgré l'élection du 9 août 2010, le Rwanda est sous observation et en accusation.
Alors que le président rwandais, Paul Kagamé, a été réélu le 9 août avec 93,2 % des votes, la publication par le journal Le Monde du 27 août d'« une version quasi définitive » d'un rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH) de l'ONU vient questionner la nature de l'ordre strict maintenu par une main de fer au Rwanda, de même que la responsabilité du Rwanda dans les événements dramatiques qui se sont passés en RDC voisin depuis 1993.
« Redoutée par les principaux acteurs régionaux de l'interminable drame humain dans la région des Grands Lacs, la radiographie sans précédent des crimes jalonnant dix ans de guerre en République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) que vient d'établir le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) est accablante, principalement pour le Rwanda voisin ».
Ainsi commence l'article du Monde avant de conclure « La compilation des rapports existants et la collecte de nouveaux témoignages menée par le HCDH fournissent une base pour des poursuites judiciaires à venir contre les auteurs de ce que le HCDH qualifie de "crimes contre l'humanité, crimes de guerre, voire de génocide"». Et Le Monde ajoute : « Le Rwanda ne s'y est pas trompé. Depuis des semaines, Kigali déploie ses réseaux et son énergie pour tenter d'étouffer ce rapport qui risque d'atteindre le cœur du régime du président Paul Kagamé, l'homme fort du Rwanda depuis 1994. »
Même si le Rwanda a réélu son président Paul Kagamé avec un pourcentage qui rappelle les belles années du régime soviétique et malgré le succès économique du pays, des voix de plus en plus nombreuses se sont fait entendre pour souligner la dérive antidémocratique dans laquelle il s'enlise. Comme si ce n'était pas assez, Amnistie internationale vient de rendre publique, à la fin août, une étude sévère sur les conséquences effrayantes des lois rwandaises sur l'« idéologie du génocide » et le « sectarisme » intitulée Rwanda : il est plus prudent de garder le silence.
« Prohiber le discours haineux est un objectif légitime, mais l'approche retenue par les autorités rwandaises viole le droit international relatif aux droits humains. Les dispositions législatives réprimant l'"idéologie du génocide" et le "divisionnisme", relevant des lois sur le "sectarisme", rédigées en termes vagues et ayant une large portée et qui érigent en infraction l'expression orale ou écrite protégée par des traités internationaux, sont contraires aux obligations régionales et internationales du Rwanda en matière de droits humains ainsi qu'à ses engagements en faveur de la liberté d'expression. La formulation vague de ces lois est délibérément utilisée pour violer les droits humains. »
C'est pourquoi, s'appuyant sur les déclarations de l'ONU, de l'Union Européenne, des États-Unis, de l'Espagne, de la France, sans ignorer celles de Human Rights Watch et d'Amnistie internationale, je me suis inquiétée des conditions ayant régné au Rwanda jusqu'aux élections présidentielles du 9 août dernier causant la détérioration continue de la liberté de presse, de la liberté d'expression et d'opinion, de la liberté d'association ou de réunion expliquant l'intimidation constante dont ont été victimes les membres de partis d'opposition rwandais y compris l'avocat Peter Erlinder, citoyen américain qui a été emprisonné après s'être rendu à Kigali pour prendre la défense de Victoire Ingabire, rwandaise revenue des Pays-Bas, à la tête d'un parti d'opposition, pour se présenter à la présidence du pays et offrir aux citoyens une alternative. Elle n'a jamais pu le faire, victime, comme d'autres, d'un harcèlement qu'on ne trouve pas dans un pays démocratique.
Ainsi, malgré les nombreuses pressions internationales et, comme l'ont déploré les observateurs du Commonwealth, les élections rwandaises se sont tenues avec « un manque de voix critiques ». Tant vous, Monsieur le Ministre, que le National Security Council des États-Unis, ont noté que des « évènements troublants » avaient marqué ces élections : la suspension d'une trentaine de médias, les arrestations de candidats d'opposition et de journalistes, l'assassinat d'un membre de l'opposition, le vice-président du parti Vert, André Kagwa Rwisereka et l'assassinat du rédacteur en chef adjoint d'Umuvugizi, Jean-Leonard Rumbambage, pour ne nommer que ces évènements.
Pour moi, la situation postélectorale n'augurerait rien de bon si ce n'était des rapports de l'ONU et d'Amnistie internationale qui peuvent donner une prise à la démocratie. Plusieurs membres de partis de l'opposition demeurent en prison et d'autres sont en liberté provisoire en attente de leur procès. Ainsi, par exemple, Bernard Ntaganda, président et fondateur du parti Social-Imberakuri est toujours détenu en prison depuis le 24 juin. Quant à Victoire Ingabire Umuhoza, la présidente du parti FDU-Inkingi, elle est maintenue en résidence surveillée, son passeport confisqué, elle ne peut pas sortir du pays pour aller visiter sa famille aux Pays-Bas. L'interdiction de quitter le territoire est motivée par une enquête judiciaire ouverte notamment pour « négationnisme ». Et, toute la lumière doit être faite sur l'assassinat d'André Kagwa Rwisereka par le biais d'une enquête indépendante et transparente.
Face à ces constats et sachant que votre gouvernement est un des gouvernements qui a appuyé Paul Kagamé, je vous exhorte à tout mettre en œuvre, de concert avec vos homologues de la communauté internationale, afin que le gouvernement de Paul Kagamé réexamine ses lois sur l'idéologie du génocide et le sectarisme à la lumière du rapport d'Amnistie internationale et qu'il permette au Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU de présenter son rapport final, transparent et indépendant sur les crimes et exactions commis en RDC.
Sachant que vous accorderez à la présente toute l'attention qu'elle mérite, je vous prie de recevoir, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments distingués.
Francine Lalonde,
Députée de La Pointe-de-l'Île
Porte-parole du Bloc Québécois en matière d'affaires étrangères »

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