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Au fur et à mesure que l'élection présidentielle rwandaise approche, la peur gagne les rues de Kigali. Plusieurs opposants ont été arrêtés, les journalistes sont réduits au silence et l'élection est verrouillée par le président sortant, candidat à sa propre succession, Paul Kagame. À quelques jours du scrutin, prévu pour le 9 août, les meetings du Front patriotique rwandais (FPR), le parti de Paul Kagame, se multiplient à travers le pays. Le président sortant, arrivé au pouvoir à la fin du génocide, en juillet 1994, a rassemblé plus de 30 000 de ses partisans dans le stade national du Rwanda, à Kigali, le 20 juillet.
Loin des images de liesse véhiculées par l'équipe de campagne de Paul Kagame, le tableau de cette période pré-électorale paraît bien sombre. Les principaux opposants ont été empêchés de se présenter. Les trois partis d'opposition - les Forces démocratiques unifiées (FDU), le Parti démocratique vert et le Parti social - ont été écartés du scrutin présidentiel. Seuls trois candidats ont été autorisés à concourir, deux anciens ministres et un sénateur. Tous sont des proches de Paul Kagame.
Le 14 juillet, le corps du vice-président du Parti démocratique vert a été retrouvé en partie décapité dans un marais du sud du Rwanda. Quelques semaines auparavant, le rédacteur en chef du journal Umuvuguzi avait été retrouvé mort le corps criblé de balles. Il venait de mettre en cause les autorités rwandaises dans la tentative d'assassinat d'un ancien camarade de combat de Paul Kagame passé dans l'opposition.
Par ailleurs, deux membres des Forces démocratiques unifiées ont récemment été écroués et la responsable de ce parti, Victoire Ingabire, est actuellement inculpée pour diffusion "d'idées génocidaires" et collaboration avec des groupes terroristes.
Enfin, les atteintes à la liberté de la presse se sont multipliées à l'approche du scrutin. La directrice du bimensuel indépendant Umurabyo, Agnès Uwimana Nkusi, ainsi que la rédactrice en chef et la maquettiste du journal, ont ainsi été arrêtées le 8 juillet pour outrage au chef de l'État.
L'un de nos Observateurs à Kigali a souhaité apporter son témoignage, mais il a insisté sur la nécessité de protéger son identité. Nos Observateurs sur place sont inquiets et extrêmement prudents dans leurs contacts avec les journalistes de notre équipe.
"Aujourd'hui, le FPR me fait peur"
Je suis allé à un meeting du FPR pour prendre des photos, mais j'ai aussi vu des voitures faisant la promotion des autres partis sillonner la capitale. Le Parti vert [qui ne participe pas à l'élection, NDLR] a fait un meeting à 60 km de Kigali il y a quelques jours. Et, à la télévision, j'ai vu des messages électoraux d'autres partis que le FPR, comme le Parti libéral [parti proche de Paul Kagame, NDLR].
Le FPR a fait plein de choses très positives pour le pays, c'est lui qui nous a permis de dépasser le génocide, qui a amorcé notre développement économique, qui nous a permis d'intégrer le Commonwealth. C'est aussi grâce à lui que la crise économique ne nous a pas touchés. Meeting du FPR à Muhanga, le 24 juillet 2010. Photo postée sur Flickr par Paul Kagame 2010
Le FPR a des militants dans tous les secteurs de la société. Tout le monde connaît ce parti alors que personne ne connaît les autres. Les membres du Parti vert ou du FDU, on ne les voit jamais en dehors des quelques semaines de campagne électorale. Après les élections, ils ne font plus rien, je pense qu'ils doivent avoir peur.
"Personne n'ose dire du mal de ce parti ici"
Je ne m'intéresse pas beaucoup à la politique, c'est un métier trop dangereux. Il y a quelques temps, j'aurais choisi le FPR parce qu'il nous a fait beaucoup avancer. Mais maintenant, ce parti m'inquiète. En 2003 [dernière élection présidentielle remportée par Kagamé avec 95 % des voix, NDLR], je me sentais libre, mais pour cette élection c'est très différent. Personne n'ose dire du mal de ce parti ici, parce qu'on sait qu'on risque beaucoup, même la mort. Même les anciens amis de Kagame qui l'ont critiqué ont dû fuir le pays et des colonels de l'armée ont été arrêtés. Le gouvernement maltraite ses propres amis, alors comment va-t-il me traiter, moi qu'il ne connaît même pas ? Je ne pense pas que ce soit normal que les gens aient peur des autorités."
Meeting du FPR à Kigali
Photos envoyées par l'un de nos Observateurs.
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